Pastel
Après l'hiver
N’attendez
pas de moi que je vais vous donner
Des
raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
La
nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
Dans
les champs, dans les bois, est partout la première.
Je
suis par le printemps vaguement attendri.
Avril
est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
Je
sens devant l’enfance et devant le zéphyre
Je
ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
Mai
complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
Jeanne,
Georges, accourez, puisque voilà des fleurs.
Accourez,
la forêt chante, l’azur se dore,
Vous
n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
Je
suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
Venez,
je veux aimer, être juste, être doux,
Croire,
remercier confusément les choses,
Vivre
sans reprocher les épines aux roses,
Être
enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.
Ô
printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
On
sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
Et
l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
On
mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
On
a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
Et
de voir, sous l’abri des branches printanières,
Ces
messieurs faire avec ces dames des manières.
Victor Hugo, 26 juin 1878
Victor Hugo, 26 juin 1878