Le village de mon enfance
D’où suis-je ? Je suis de mon enfance. Je suis de mon enfance comme d’un pays.
Antoine de Saint-Exupéry
Dans les années 1950, j’habitais un petit village sur la rive nord de la rivière Des Prairies. Il ne comptait qu’une vingtaine de rues en plus du boulevard Lévesque. Celui-ci, bordé de gros arbres qui lui donnaient un air romantique comme dans les peintures de Marc-Aurèle Fortin, en était la rue principale.
Je fréquentais le couvent des sœurs de la Providence, une grosse bâtisse en pierres, avec un grand jardin à l’arrière qui donne sur la rivière. Le couvent fait face à l’église érigée en 1853 et elle aussi en pierres avec deux clochers. Son intérieur portait au recueillement. Notre curé et son vicaire habitaient le presbytère juste à côté.
Les garçons avaient leur école tenue par les frères Maristes. Les frères possédaient aussi le Collège Laval qui dispensait le cours secondaire. À l’arrière du collège : une immense cour qui était un havre de paix pour les promeneurs.
La plupart des hommes du village travaillaient au pénitencier sur la montée Saint-François. Le Club des Quatre-Tours, voisin du pénitencier était leur lieux de rencontre.
Nous avions six épiceries, trois barbiers, deux pharmacies, quelques petits restaurants et un terminus d’autobus. À cet endroit, le patron tenait un comptoir et sa bonhomie égayait l’attente des voyageurs.
La Caisse populaire comme c’est souvent le cas, avoisinait l’église. La Banque Canadienne Nationale était en face de l’Auberge des Écores surtout populaire pour son bar au sous-sol. Le bureau de poste, sur la rue du Collège était voisin de la quincaillerie.
La voie ferrée du Canadien pacifique passe au nord du village. La gare accueillait les voyageurs assez nombreux, car l’automobile n’était pas à la portée de tous.
À cette époque, le laitier et le boulanger vendaient leurs produits tous les jours de porte en porte.
J’habitais un beau village, la vie y était tranquille, les enfants avaient les rues et les vastes champs pour s’amuser. C’était un village vivant.
Aujourd’hui, j’habite toujours le même village qui a pris de l’expansion. Il fait maintenant partie de la grande ville de Laval. Les beaux arbres du boulevard ont été coupés pour élargir la route. Les supermarchés ont forcé la fermeture des petites épiceries. Tous les petits commerces ont déserté le village, tués par les centres commerciaux.
Le couvent est devenu une résidence pour personnes âgées et l’école des garçons un centre communautaire. Le collège est maintenant laïque et l’accès à la cour nous est interdit. Le village est devenu sans vie. Mais quand je me promène dans ses rues, j’ai la nostalgie des beaux endroits de mon enfance.