Dans la famille de mon père, on aimait se bercer. La grande maison ancestrale possédait des berceuses dans toutes les pièces. Quand mon père vint habiter à la ville, il emporta de chez lui une chaise berçante large et robuste faite à la main.
Ayant hérité de ce goût génétique pour la berçante, je prenais plaisir à calmer la marmaille surexcitée en chantant les succès de la chansonnette française. La chaise pouvait accueillir jusqu’à six enfants, sur moi, à côté, sur les bras et debout sur les berceaux. Ce qui permettait à ma mère de travailler en paix une bonne demi-heure.
Comme moi, mes frères et sœurs ont encore bien présent à l’esprit, ce souvenir. Pour mon cinquantième anniversaire de naissance, ils m’ont écrit une chanson sur l’air de « Céline » d’Hugues Aufray, dont un couplet relate ces moments :
« Mais oui Solange,
tu nous as bien bercés
et tu nous as chanté des chants pour nous calmer
lorsqu’on était un peu agités
ou lors de nos longues randonnées. »
Voilà, c’était l’histoire d’une vieille chaise berçante qui termina sa vie sur la galerie d’un modeste chalet au nord de Montréal.
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Large, robuste et confortable
Avec l’étiquette « fabrication maison »
Elle trônait dans la salle familiale
Où mon père calmait ses tensions
Les jours de pluie et de grisaille
Quand les enfants se crêpaient le chignon
Maman disait pour calmer la marmaille :
Ma grande, berce-les donc
Autour de moi dans la berceuse
À cinq ou six, on s’installait
Chantant complaintes, balades ou berceuses
Les plus jeunes s’endormaient
Malgré tout ce temps passé
Le souvenir est resté en nous
Et la chaise paternelle s’en est allée
Finir ses jours je ne sais où