Pastel
Oh ! n'insultez jamais une femme qui
tombe !
Oh ! n'insultez jamais une femme qui
tombe !
Qui sait sous quel fardeau la pauvre âme
succombe !
Qui sait combien de jours sa faim a
combattu !
Quand le vent du malheur ébranlait leur
vertu,
Qui de nous n'a pas vu de ces femmes
brisées
S'y cramponner longtemps de leurs mains
épuisées !
Comme au bout d'une branche on voit
étinceler
Une goutte de pluie où le ciel vient
briller,
Qu'on secoue avec l'arbre et qui tremble
et qui lutte,
Perle avant de tomber et fange après sa
chute !
La faute en est à nous ; à toi, riche !
à ton or !
Cette fange d'ailleurs contient l'eau
pure encor.
Pour que la goutte d'eau sorte de la
poussière,
Et redevienne perle en sa splendeur
première,
Il suffit, c'est ainsi que tout remonte
au jour,
D'un rayon de soleil ou d'un rayon
d'amour !
Victor Hugo
Le 6 septembre 1835